Les Origines du Bouddhisme















Plan du cours :

I La pensée indienne antique et la problématique essentielle des origines du bouddhisme

- Les fondements de la pensée indienne : Rites & métempsycose

- Conséquences sur la structure sociale

- Problématique essentielle et difficulté d’interprétation par la pensée occidentale : identité & altérité, influence sur les débuts du bouddhisme, quelques nuances bouddhiques


II Les débuts du bouddhisme

- Le personnage du Bouddha : connaissance historique et imagerie traditionnelle

- Le Bouddha face à la problématique essentielle de la pensée indienne

- Les deux interprétations du personnage du Bouddha


III Une autre réponse : le Jaïnisme

- Quelques repères

- Quelques éléments de cette doctrine

- Comparaison avec le bouddhisme



IV Conclusion : spécificités de la pensée bouddhique originelle

- Attitude bouddhique

- Acceptation de la problématique



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I La pensée indienne antique et la problématique essentielle des origines du bouddhisme.

Les fondements de la pensée indienne : Rites & métempsycose.

Quelques repères : les Veda dont les plus anciens remontent à –1500, les Upanishad composées entre – 1000 et –500. Rôle sacerdotal et supériorité des brahmanes, importance des rites et des sacrifices. Croyance dans l’âme universelle et dans la métempsycose infinie de l’âme individuelle (samsara).



Conséquences sur la structure sociale.

Le système des castes :

- brahmanes (élite sacerdotale),

- ksatriya (guerriers),

- vaiçya (artisans, cultivateurs)

- sudra (serviteurs)

Les castes inférieures se subdivisent en une multitude de sous-castes. Ceux qui sont hors castes sont appelés actuellement paria. Même pour les hors castes, il y a des degrés, par exemple les candala qui sont d’une extraction particulièrement vile résultent d’une mère brahmine et d’un père sudra.




Problématique essentielle et difficulté d’interprétation par la pensée occidentale : identité & altérité, influence sur les débuts du bouddhisme, quelques nuances bouddhiques.

Le cycle infini des existences est jugé comme un processus douloureux, inquiétant et exténuant. Notion fondamentale de la perte de l’identité, des identités multiples (Un, personne, cent mille).


Dans son appréhension de ce processus, l’esprit occidental n’en perçoit pas l’aspect inquiétant. La pensée occidentale s’est formée dans une toute autre problématique : celle de la survie de l’âme individuelle. Erreur et nuances : l’âme n’est pas l’ego, n’est pas la personnalité, n’est pas le psychisme. Pour tenter d’approcher l’inquiétude liée au phénomène de la métempsycose, imaginons que chaque matin au réveil nous soyons frappés d’amnésie.


Il est certain que le désir d’échapper à la métempsycose a été le point fondamental du bouddhisme qui s’est présenté dans un premier temps comme une ascèse permettant d’annihiler la force qui pousse à revenir à la vie et donc d’atteindre la sérénité intemporelle du nirvana.

Toutefois, il est nécessaire de comprendre la nuance suivante : le Bouddha n’a jamais cautionné en totalité le système de la métempsycose. Il se méfiait de toute explication globale de la vie et de la mort et pensait que ce genre de système témoigne surtout d’un manque de précision voire d’une confusion des idées. Comme nous le verrons dans le cours sur les quatre vérités, il se présente avant tout comme un habile thérapeute apte à soulager et à résoudre la souffrance inhérente à la vie.




II Les débuts du bouddhisme :




Le personnage du Bouddha : connaissance historique et imagerie traditionnelle.

Nous ne parlerons pas ici du personnage légendaire du bouddha Shakyamuni mais essaierons de rassembler quelques informations qui permettent de mieux appréhender les caractéristiques de la pensée bouddhique à son origine.

Le Bouddha est né vers le sixième siècle avant notre ère à Kapilavastu (actuellement village de Piprahwa) près de la frontière indo-népalaise. Il ressortait de la tribu Shakya (Çakya), d’où le nom sous lequel il sera désigné : Shakyamuni, le sage des Shakya. Sa famille appartenait à la caste des ksatriya, les guerriers. Son père devait être une sorte de petit seigneur dans cette région peu peuplée et inhospitalière. Sa famille se rattachait au clan brahmanique des Gautama, nom sous lequel il est parfois désigné. Son nom personnel était Siddharta (celui qui a atteint son but). La vie à cette époque, pour un jeune ksatriya des régions frontalières, devait être rude ce qui contribua sans doute à lui donner la robuste constitution nécessaire au mode de vie pour lequel il optera ainsi que les qualités de courage et de ténacité dont il fera preuve.

Probablement une crise spirituelle aiguë le pousse à quitter la famille qu’il a fondée, sa femme et son jeune fils Rahula, et à mener la vie de religieux errant. Il souhaite échapper au cycle de la transmigration et aux souffrances qui lui sont inhérentes.

Il se rase la tête (comme le faisaient d’autres ascètes ; cela deviendra un signe distinctif du clergé bouddhiste) et devient un ascète errant. Finalement, à force d’entraîner son esprit dans ce but, il entre dans une profonde méditation qui le mènera à découvrir la loi de l’existence à laquelle il s’éveille. Il devient l’Eveillé, celui qui est délivré des existences et des souffrances.

De retour à Bénarès, il fait halte dans un parc et expose à cinq jeunes religieux les premières notions de son système. Ils deviennent ses disciples et l’embryon de la communauté bouddhique (sangha). Ce sermon porte sur les quatre vérités. Il voyage et convertit de nouveaux disciples à sa doctrine, tant des laïcs que des religieux. Chose impensable pour l’époque, il ne reconnaît pas le système des castes qui est pourtant fondamental dans la mentalité indienne. Ce sera d’ailleurs bien plus tard, la principale cause du déclin du bouddhisme en Inde. Il est accompagné par un groupe de moines. Les croyants laïcs doivent également suivre les commandements moraux du Bouddha et par des offrandes (principalement de nourriture, légumes et céréales) pourvoir aux repas des moines mendiants. Le Bouddha se présente donc à ses contemporains comme un ascète (un yogi) mendiant. Toutefois aucun caractère péjoratif n’est attaché dans l’Inde antique à la mendicité. Certains riches donateurs offrent à la communauté des parcs pour que les moines itinérants aient un point de repos durant la saison des pluies. Le Bouddha accepte que soit créée une communauté religieuse pour les nonnes, ce qui était, là encore, du jamais vu et qui suscita sans doute quelques remous dans la communauté bouddhique. Des règles sont édictées pour la vie des moines, ce qui laisse à penser que les conduites individuelles les rendaient nécessaires.

Probablement assez âgé (la tradition dit quatre-vingts ans) le Bouddha, durant un voyage tombe malade et s’éteint.




Le Bouddha face à la problématique essentielle de la pensée indienne.

Le bouddha Shakyamuni décide de prendre à bras le corps cette problématique essentielle de la métempsycose. Il cherche activement son point d’ancrage dans nos existences et réinterprète la doctrine du karman.

Définition du karman et nécessité de pointer les erreurs les plus souvent commises sur ce sujet. Les trois sortes d’actes. Le karma n’est pas la destinée. Critique sévère du Bouddha envers le penseur Gosala (appelé Makkhali). Ce dernier prônait une théorie selon laquelle aucune action ne pouvait avoir d’influence sur la durée du cycle des réincarnations. Exemple de la bobine qui se dévide. Le Bouddha n’accepte pas cette conception qui lui semble la pire de toute : « De même que de tous les tissus qui existent, le crin est le pire – car un tissu de crin, ô disciples, est froid par le froid et chaud par le chaud, de couleur sale, d’odeur repoussante, de toucher rugueux – ainsi, ô disciples, de toutes les doctrines des autres ascètes et des brahmanes, la doctrine de Makkhali est la pire. »

Nous sommes constitués de nos actes. Au delà de la personnalité, le bouddhisme découvre la force primaire des actes non rétribués qui se manifeste au sujet sous la forme de désirs. Nous reviendrons sur ces points dans les prochains cours.

Il rompt également avec la pensée brahmanique en ce sens où pour lui les dieux également sont enchaînés à la loi du karma.


Les deux interprétations du personnage du Bouddha.

Actuellement les études sur le bouddhisme dégagent deux conceptions du personnage du Bouddha en regard de la pensée indienne antique :

- une conception indianisante qui le présente comme un réformateur (malheureux ?) du brahmanisme.

- une conception différente qui le présente comme un vecteur d’apport de pensées asiatiques dans la culture indienne.




III Une autre réponse : le Jaïnisme.




Quelques repères.

Naissance également dans la caste des guerriers du fondateur historique Mahavira qui est probablement un contemporain du Bouddha. Mais avant lui, il y aurait eu un autre sage Parçvanatha (8° siècle ?). Ces deux personnages sont appelés des « vainqueurs » (jina). D’où le nom jaïnisme. Les adeptes quittent leur foyer et se transforment en « renonçants », renoncement à la propriété. Naissance de communautés monastiques.




Quelques éléments de cette doctrine.

Réalité de la matière. Existence d’un nombre immense d’âmes immatérielles et individuelles qui sont altérées par les actes et les expériences psychiques. On ne cherche pas comme dans le brahmanisme la pureté dans la conformité aux rites mais dans l’absence de souillures morales. La délivrance ne provient pas de la connaissance mais de l’éthique. La valeur suprême est la « non-violence » (ahimsa) plus exactement le renoncement au meurtre et à la nocivité. C’est moins de la sensibilité ou de la compassion que la volonté de se préserver de la souillure. Évidemment renoncement aux sacrifices, à la chasse, à la guerre, à la consommation de viande, parfois même à l’agriculture. Il reste la cueillette et le commerce. Importance fondamentale dans l’histoire de l’humanité du renoncement à la violence. Coexistence de communautés religieuse et laïque, les règles de cette dernière étant plus souples que celles des moines. Néanmoins l’attitude morale de détachement doit être la même.


Comparaison avec le bouddhisme.

D’une certaine façon, est-ce du à son origine à la périphérie du monde indien, le bouddhisme présente une rupture avec le brahmanisme plus nette que le jaïnisme. Le but n’est pas d’éviter la souillure mais de résoudre la problématique de la souffrance. Le bouddhisme s’interroge sur les processus psychiques des êtres et vise à la libération par la compréhension. Les points communs même s’ils ne s’expriment pas de la même façon sont la volonté individuelle de ne pas être nocif envers autrui et sur le plan collectif, la création d’une vaste communauté monastique.






IV Conclusion : spécificités de la pensée bouddhique originelle.




Attitude bouddhique

Volonté active de guérir de la souffrance inhérente à l’existence. Analyse, réflexion, vigilance et action.

Méfiance vis à vis des systèmes et pragmatisme. Affinement des concepts et précision.




Acceptation de la problématique

Si l’on ne place pas la problématique de la métempsycose au centre de la recherche bouddhique on juge du bouddhisme hors contexte. Néanmoins, comme nous l’avons vu la pensée bouddhique est tout en finesse, et l’on doit se rappeler que cette problématique des origines du bouddhisme est acceptée comme étant un moyen habile d’aller à l’essentiel. Ce n’est pas un dogme...

Toutefois elle sert de cadre à l’ensemble du développement ultérieur de la spiritualité bouddhique. Ainsi, Nichiren, au treizième siècle commence un de ses premiers traités (En une vie devenir le Bouddha) par ces mots :

« Si vous voulez interrompre le cycle sans commencement des vies et des morts et, cette fois-ci, attester de l’éveil suprême ... »

Nous sommes donc tout à fait au cœur de cette problématique originelle du bouddhisme. Si vous retenez au moins cela de ce premier cours, vous aurez une clé fondamentale de compréhension des spiritualités qui ont découlé de la pensée indienne.




Quelques mots sur les prochains sujets traités

Nous verrons successivement :

Les quatre vérités : l’un des premiers systèmes de la pensée bouddhique.

Les trois trésors : ce par quoi le bouddhisme existe.

Les trois catégories (cinq éléments – douze entrées – dix-huit domaines) : le processus du vivant et la naissance du sujet.

La production conditionnée : la compréhension relativiste propre au bouddhisme.

Les douze liens causaux : le cycle de causes et d’effets qui sous-tend l’existence.

Aperçu des divers courants du bouddhisme : un peu d’histoire, de géographie pour comprendre qui est quoi.

Les quatre sceaux de la loi : les sujets de la méditation bouddhique.


V Questions diverses


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