Les dix dispositions

(ou dix terres)

十地


dix dispositions (十地, juji, shidi) : est également traduit par dix terres ce qui est plus proche du sens premier de l’idéogramme. Ces dispositions sont des capacités, des expériences ou des fonctionnalités du mental que la pratique du bouddhisme révèle. Elles sont également perception d’un environnement qui est spécifique pour chacune d’entre elles, d’où la notion de "terres". Les dix dispositions représentent les degrés quarante et un à cinquante des cinquante-deux degrés (五 十二位, gojuni i, wushier wei) qui marquent le parcours entre la première manifestation de l’esprit de bodhi et l’éveil merveilleux. Ce parcours est reconnu par plusieurs courants du bouddhisme chinois qui ressortissent de l’enseignement distinct ou de l’enseignement global, notamment les écoles Guirlande de fleurs (華 嚴 宗, Kegon shu, Huayan zhong) et Tiantai. Un sutra constitutif du Sutra de la guirlande de fleurs relatif aux dix dispositions a été traduit en français : Soûtra des Dix Terres, traduction Patrick Carré, éditions Fayard, 2004.

Ces dix dispositions sont les "sols" ou terrains nécessaires à l’apparition des deux éveils supérieurs (cinquante et unième et cinquante deuxième degrés) : l’éveil d’indifférenciation (等 覺, tokaku, dengjue) et l’éveil merveilleux (妙 覺, myokaku, miaojue).

Détail des dix dixpositions :

 1. La joie (歡喜地, kangiji, huanxidi, pramudita). Cette joie est ressentie aux premières perceptions réelles de la voie du milieu. On trouve aussi l’expression disposition première ou terre première (shoji, shidi).

2.
L’éloignement de la poussière (離垢地, rikuji, ligoudi, vimala). Il s’agit de la sérénité que l’on ressent lorsque les contingences de notre monde troublé sont distancées.

3. Le rayonnement de la lumière (發光地, hakkoji, faguangdi, prabhakari). A ce stade, le bodhisattva donne aux autres la lumière issue de la sagesse.

4. L’embrasement de la sagesse (焰慧地, en eji, yanhuidi, arcismati). Parvenu à cette disposition d’esprit même les troubles deviennent le combustible qui alimente la haute flamme de l’esprit.

5. La conquête difficile (難勝地, nanshoji, nanshengdi, sudurjaya). Il s’agit de l’étape où, au prix de grands combats, on a pu rompre avec les facteurs d’égarements.

6. La présence (現前地, genzenji, xianxiandi, abhimukhi) : littéralement, la présence devant soi. En cette disposition d’esprit, le bodhisattva perçoit la pure ainsité (shinnyo, zhenru) des phénomènes dans la netteté de l’immédiateté.

7. Les parcours lointains (遠行地, ongyoji, yuanxingdi, duramgama). Ce terme exprime la rapidité de l’esprit et la liberté ressentie en voyant que les attachements propres au monde ou aux deux véhicules sont bien loin.

8. L’immuable (不動地, fudoji, budongdi, acala). On demeure dans la compréhension de la voie du milieu sans plus de nécessité de voir changer son état d’esprit.

9. La perspicacité (善慧地, zenneji, shanhuidi, sadhumati). Possession de la sagacité qui embrasse toutes les directions et qui permet d’enseigner la loi bouddhique. La disposition précédente montrait une station immobile de l’énergie mentale qui maintenant se redéploie de façon multidirectionnelle.


10. La nuée de la loi  (法雲地, hounji, fayundi, dharma mega). Disposition d’esprit pareil au grand nuage de la loi qui recouvre toute chose sans peser et qui apporte pour chacun ce qui est nécessaire. La loi telle qu’elle est enseignée par un bodhisattva dans cette disposition, s’épand, pareille aux pluies d’un grand nuage, sans distinction aucune et porte en elle les principes de la doctrine bouddhique (cf. Parabole des simples, chapitre V du Sutra du lotus).

L’ordre de succession de ces dix dispositions est très intéressant. En premier nous trouvons la joie de la compréhension, du dévoilement et l’énergie qu’elle procure (1). Dès lors ce que nous jugions pénible n’a plus la même emprise sur nous (2) et rassérénés, nous pouvons éclairer autrui du fruit de cette expérience (3). Mais cette lumière ne s’arrête pas là, la sagesse s’en trouve fortifiée d’une vie plus intense qui s’alimente de toute chose y compris de l’énergie contenue dans les passions et les désirs (4). Muni de cette énergie de la sagesse, il y a une difficile remise en question à effectuer pour se dégager des causes des égarements de la pensée qui, d’une façon récurrente, poussent toujours l’esprit dans les mêmes voies (5). Alors un nouveau regard est possible (6) et l’on vit dans la présence du monde. Il s’en dégage une liberté et une rapidité de «communication» de l’esprit qui circule alors des régions qui lui étaient inconcevables (7). Puis les choses se ramassent à nouveau dans un état statique et complet (8). L’étape suivante montre un redéploiement de l’esprit qui atteint une sagacité très aiguë, ce redéploiement global permet également d’aller apporter, sous la meilleure forme, partie de cette expérience à autrui (9). Enfin dans la dernière de ces dix dispositions, on devient porteur de la loi bouddhique que l’on peut dispenser amplement à autrui (10).

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