La fin de la loi selon le Vibhasa, une prophétie consternante

















  La fin de la loi du Bouddha est évoqué de façons plus ou moins précises dans de nombreux textes bouddhiques. Un traité de l'Abhidharma, l'Abhidharma maha vibhasa sastra prophétise les évènements qui peuvent mener à la disparition de la loi. Ce récit riche en détails mérite d'être résumé ici. Face à la dégénérescence du monde bouddhique on ne peut qu'être frappé par les accents prophétiques de ce texte et la connaissance précise des comportements humains qui sont le ressort de ce drame.




  L'Inde hypothétique de ce récit est une région culturellement bouddhique et divisée en plusieurs royaumes. Venant de l'ouest deux rois qui ne sont pas bouddhistes envahissent l'Inde et détruisent les temples et assassinent les bhiksu qui tombent entre leurs mains. Mais le roi d'un petit pays du sous-continent indien décide de sauver la loi juste. Il prend les armes et vainc les envahisseurs. Mais le monde bouddhique a été sérieusement endommagé. Des textes ont été détruits, des monastères rasés et des moines sages tués.




  Le roi pieux décide de réunir dans sa capitale un conclave afin de sauvegarder ce qui peut l'être de la doctrine. Il invite tous les moines survivants des autres régions de l'Inde et pourvoit grandement au confort de leur séjour.




  Malheureusement la loi est déjà sur son déclin et ces moines bien nourris passent leur temps en vaines controverses et usent d'arguments spécieux. En fait il n'y a déjà plus que deux religieux qui représentent la loi bouddhique. Le premier d'entre eux, Surata (蘇剌多, Surata, Suladuo) est un saint arhat qui a maîtrisé les enseignements et pratiques bouddhiques. Le second, un certain Sisyaka (室史迦, Shisshika, Shishijia) est maitre ès tripitaka ; il est en outre à la tête de la communauté bouddhique.




  Lors d'une réunion des dignitaires religieux on demande au maître ès tripitaka de réciter un texte (le Pratimoksa) relatif à la discipline monacale. Il annonce qu'il ne va en faire qu'un énoncé sommaire. L'arhat Surata le prie respectueusement de bien vouloir le réciter intégralement mais le maître Sisyaka déclare que s'il est quelqu'un dans l'assemblée qui respecte scrupuleusement tous les préceptes il accèdera à la demande sinon un résumé est bien suffisant. L'arhat Surata lui signale que lui au moins observe tous les commandements du temps du Bouddha.




  Les évènements se précipitent. Les disciples de maître Sisyaka, exaspérés se jettent sur l'arhat et le tuent. A ce moment-là la loi telle qu'elle était incarnée par ce sage disparaît. La confusion est grande, on ne sait si ce sont des disciples de l'arhat ou même le roi lui-même mais le maître ès tripitaka est également assassiné. La loi relative qui était véhiculée dans les connaissances de cet homme disparaît alors également.




  Comme l'auteur de ce récit connaissait bien la communauté bouddhique et les travers dont elle souffre ! Nous retrouvons là les attitudes humaines caractéristiques de la communauté bouddhique quand elle va mal. Citons en quelques unes :

- La trop grande aisance procurée aux religieux par les donnateurs laïcs. Mus par des raisonnements purement séculiers les laïcs ont tendance à 'gâter' les religieux qui deviennent très regardants quant à la qualité de leur confort et perdent de vue leur mission réelle. N'oublions pas que le Bouddha lui-même était un moine mendiant et que Nichiren a connu la pauvreté et la faim.

- Le scrupule de certains dignitaires religieux qui pareils au maître ès tripitaka de l'histoire ont tendance à enseigner plutôt trop peu que trop bien. Les raisons invoquées en général sont bonnes, c'est pour simplifier les choses, pour stimuler le désir d'en savoir plus... Le résultat par contre, aboutit généralement à un amondrissement et à une perte des significations. Rapporté au courant nichireniste, ce passage du récit m'évoque toujours la suppression de la partie Seo du chapitre des Moyens, dans la pratique quotidienne ainsi que pour certains les suppressions successives d'autres passages du Lotus.

- Enfin l'attitude des disciples qui sont plus attachés à une personne qu'à la doctrine qu'elle incarne (cf. quatre appuis de la loi). Pour ces disciples zélés la fin justifie toujours les moyens et en général les moyens ne sont pas empreints d'élégance. La première des trois sciences nécessaires à la pratique du bouddhisme est pourtant l'éthique.




  Plus qu'une prophétie ce texte révèle les facteurs destructeurs de la loi bouddhique qui survit à des atteintes extérieures (comme au début de l'histoire, les invasions) mais pas aux actes auxquels la perte de vigilance et de discernement peut porter les croyants du bouddhisme.