Les six identités, un concept qu'il convient d'examiner soigneusement



I. Les six identités (六 即, rokusoku, liuji) sont un prisme pour comprendre certaines notions souvent paradoxales que l'on trouve dans les doctrines liées aux Sutra du lotus ou du Nirvana. Ces notions comprennent elles-mêmes le caractère soku (ji, , en chinois) et il sert à relier deux termes dont la signification est opposée, par exemple shoji soku nehan (生死即涅槃, shengsi ji niepan, les vies et morts s’identifient au nirvana) ou bonno soku bodaï ((煩惱即菩提, fannao ji puti, les passions s’identifient à l’éveil). Généralement nous traduisons dans ce cas soku par "s'identifier à" afin de faire ressortir la nuance : les passions ne sont pas l'éveil mais, dans une certaine optique et au terme de la réalisation bouddhique, elles le deviennent. Dans ces expressions paradoxales qui fonctionnent selon le schéma : A opposé à B et finalement A s'identifie à B, les six identités permettent d'intrepréter le terme "s'identifie à" selon une graduation en six termes qui s'applique à la nature de cette identification. Cette identification est à considérer selon l'identité de principe, de mots, de la pratique contemplative, de ressemblance, de la vérité fractionnée et enfin de l'absolu (cf. ci-dessous). On peut se livrer avec profit à cet exercice bouddhique en l'appliquant notamment aux deux concepts cités précédemment : les vies et morts s’identifient au nirvana et les passions s’identifient à l’éveil.


II. Les six identités désignent également une graduation des pratiques bouddhiques et de leurs résultats qui montre en quoi le pratiquant, selon le degré de progression qui est le sien, peut être identifié au Bouddha. En ce sens, cette graduation peut être appliquée pour mieux percevoir le chemin parcouru et ne pas s'ennorgueillir par illusion. Si l'on se reporte à la notion d'identité, telle que définie en I, avec deux termes généralement opposés qui finalement s'équivalent, nous avons alors un cas spécifique : homme ordinaire différent de l'éveillé et finalement égal au travers de six étapes. C'est d'ailleurs ce à quoi réfère le concept bouddhique de l'identification de l'homme ordinaire et de l'ultime (凡夫即極, bonpu soku gokufanfu ji qi).

Précisons selon chacune des six identités cette graduation :

- 1. L'identité de principe (理 即, risoku, liji) désigne celui qui n'a pas encore embrassé la foi bouddhique. Comme tout être, il possède la nature de boudha mais ne le sait pas. Il n'est donc égal (identique) au Bouddha qu'en principe. L'identité repose donc sur un concept, c'est pourquoi on parle d'identité de principe.

- 2. L'identité de mots (ou de dénominations, 名 字即, myojisoku, mingziji) dépeint un stade plus avancé où le croyant acquiert les doctrines du bouddhisme et où il apprend qu'il possède la nature de bouddha. Cette connaissance lui vient des mots contenus dans les phrases des sutra et qu'il commence de faire siens.

- 3. L'identité de la pratique contemplative (觀 行即, kangyosoku, guanxingji). Les mots et les idées font leur chemin dans son esprit. Il médite pour contempler la nature de bouddha dans son propre esprit. L'identité lui apparaît alors dans cette pratique contemplative.

- 4. L'identité de ressemblance (相 似即, soïsoku, xiangyiji). Résultat de la pratique contemplative précédente, les illusions des deux premiers des trois égarements (sanwaku, sanhuo) se délient et les racines se purifient. Cette réalisation présente des ressemblances avec l'éveil du Bouddha. En regard du système des cinquante-deux degrés, ce stade correspond aux degrés 1 à 10 qui sont les dix degrés de la foi.

- 5. L'identité de la vérité fractionnée (ou progressive, 分 眞即, bunshinsoku, fenshenji). Une à une les illusions du dernier des trois égarements, l'égarement de l'ignorance (無明惑, mumyowaku, wuminghuo) sont déliées et les vérités de la voie du milieu apparaissent progressivement. Cette identité correspond aux degrés 11 à 51 des cinquante-deux degrés. Autant dire que cette identité est très proche de l'éveil bouddhique qui lui est désigné par la sixième identité.

- 6. L'identité absolue (究 竟即, kyukyosoku, jiujingji). La dernière des illusions génératrices de passions, l'ignorance originelle (元本無明, genpon mumyo, yuanpin wuming) est parfaitement résolue. Identité parfaite avec le Bouddha, elle correspond au dernier des cinquante-deux degrés, l'éveil merveilleux.

Nichiren donne une interprétation spécifique de ces six stades de l'identité, en relation avec le titre du chapitre XVI du Sutra du lotus. Cela a été consigné dans la Transmission orale sur les significations (御義口傳, Ongi kuden), dans la section intitulée Namu Myohorenguékyo, XVIe chapitre, Longévité de l'Ainsi-venu.

Voir également identité (, soku, ).

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