Les origines du bouddhisme

(suite, conférence 2)

26/01/2006



















A. Gouvret

Quelques informations :

Le script de ces conférences ainsi que leur enregistrement audio sont consultables sur internet à partir d'un lien mis à disposition sur le site c2mande.com : http://www.c2mande.com/ ; sur la page d'accueil il faut cliquer sur 'site Alain Gouvret'. Ainsi ceux qui auront manqué une session ou qui nous rejoindront en cours de route, pourront écouter ou lire la séance de leur choix.

  • Quelques éléments bibliographiques :

    André Bareau, En suivant Bouddha, éditions Le Félin.

    Dhammapada (Les Stances du dharma), un classique des premiers textes bouddhiques, aphorismes sous forme de poèmes cours, plusieurs traductions en éditions de poche, citons : Albin Michel, GF Flammarion et Le Seuil.



  • La prochaine conférence aura lieu le 2 mars.

  • Programme des prochaines sessions : 3. Origines (suite), 4. Premiers enseignements, les quatre vérités, 5. Les quatre vérités (suite), 6. Fondement philosophique, la production conditionnée, 7. Approfondissement de la production conditionnée, les 12 liens causaux, 8. Les 12 liens causaux (suite), 9. A déterminer selon l'intérêt des participants.






  • II Les débuts du bouddhisme :









    Le personnage du Bouddha : connaissance historique et imagerie traditionnelle.

    Nous ne parlerons pas ici du personnage légendaire du bouddha Shakyamuni mais nous essaierons de rassembler quelques informations qui permettent de mieux appréhender les caractéristiques de la pensée bouddhique à son origine. Nous devons toutefois noter qu'au personnage historique du Bouddha est venu se rajouter une légende dorée. Celle-ci, dans un premier temps, s'est infiltrée dans les parties de l'existence du Bouddha sur lesquelles nous avons peu d'informations, c'est à dire la période avant l'éveil, on en a donc fait un bambin prodige, fils de roi etc. Quand le personnage a été tellement surchargé que l'on ne pouvait plus rien rajouter d'édifiant sur son compte la ferveur populaire et ses instigateurs se sont portés vers l'invention d'autres bouddha, par exemple Amita ou Vairocana.

    Le Bouddha est né vers le sixième siècle avant notre ère à Kapilavastu (actuellement village de Piprahwa) près de la frontière indo-népalaise, à environ 200 km de la ville de Bénarès. Il ressortait de la tribu Shakya (Çakya), d’où le nom sous lequel il sera désigné : Shakyamuni, le sage des Shakya. Sa famille appartenait à la caste des ksatriya, les guerriers. Son père devait être une sorte de petit seigneur dans cette région peu peuplée et inhospitalière. Sa famille se rattachait au clan brahmanique des Gautama, nom sous lequel il est parfois désigné. Son nom personnel était Siddharta (celui qui a atteint son but). La vie à cette époque, pour un jeune ksatriya des régions frontalières, devait être rude ce qui contribua sans doute à lui donner la robuste constitution nécessaire au mode de vie pour lequel il optera ainsi que les qualités de courage et de ténacité dont il fera preuve.

    Probablement une crise spirituelle aiguë le pousse à quitter la famille qu’il a fondée, sa femme et son jeune fils Rahula, et à mener la vie de religieux errant. Il souhaite échapper au cycle de la transmigration et aux souffrances qui lui sont inhérentes. La croyance dans la transmigration était très répandue dans ces régions indiennes et elle marque les débuts de la conceptualisation du bouddhisme. Cette suite de réincarnations était appréhendée comme un cycle inquiétant et douloureux où chaque nouvelle existence signifiait la perte de l’individualité, de la personnalité précédentes et de nouvelles souffrances.

    Il se rase la tête (comme le faisaient d’autres ascètes ; cela deviendra un signe distinctif du clergé bouddhiste) et devient un ascète errant. Il rencontre des sages mais sans résoudre la question qui l’obsède. Selon la tradition, il aurait pratiqué les austérités jusqu'à un degré dangereux sans pour autant obtenir la délivrance cherchée. Il décide d'arrêter ces pratiques nocives pour le corps, de se restaurer. Fort de l'entraînement mental qu'il a déjà acquis, il concentre son esprit et entre dans une profonde méditation. Selon les Vinayapitaka des Dharmagupta (Corbeille de l'éthique des protecteurs du dharma), après avoir purifié son esprit et l'avoir rendu 'souple et facile à conduire' il accède à la vision de ses existences antérieures (citer les représentations graphiques), puis de toutes les existences (concept plus tardif d'Une pensée trois mille, développer un peu,) et enfin il comprend le processus d'épuisement de la douleur, la libération [comparer l'acquisition de cette triple science avec les trois niveaux du dharma évoqués la fois précédente et avec les consciences]. Il devient l’Eveillé, celui qui est délivré des existences et des souffrances.

    Après mûre réflexion (il semblerait qu'il ait hésité), il décide de communiquer l'expériénce qu'il a vécue aux autres hommes. De retour à Bénarès, il fait halte dans un parc et expose à cinq jeunes religieux les premières notions de son système. Ils deviennent ses disciples et l’embryon de la communauté bouddhique (sangha). Ce sermon porte sur les quatre vérités. Il voyage et convertit de nouveaux disciples à sa doctrine, tant des laïcs que des religieux. C’est un orateur expert et un sage; sa renommée s’accroît. Chose impensable pour l’époque, il ne reconnaît pas le système des castes qui est pourtant fondamental dans la mentalité indienne. Ce sera d’ailleurs bien plus tard, la principale cause du déclin du bouddhisme en Inde. Le groupe des moines qui suivent le Bouddha compte des personnalités éminentes; citons, parmi d’autres, Shariputra, Maudgalyayana ou Ananda. Les croyants laïcs doivent également suivre les commandements moraux du Bouddha et par des offrandes (principalement de nourriture, légumes et céréales) pourvoir aux repas des moines mendiants. Certains riches donateurs offrent à la communauté des parcs pour que les moines itinérants aient un lieu de repos durant la saison des pluies. Le Bouddha accepte que soit créée une communauté religieuse pour les nonnes, ce qui était, là encore, une innovation radicale et qui suscita sans doute quelques remous dans la communauté bouddhique. Des règles sont édictées pour la vie des moines, ce qui laisse à penser que les conduites individuelles les rendaient nécessaires.

    Durant un voyage, le Bouddha probablement assez âgé (la tradition dit quatre-vingts ans), tombe malade. Après avoir donné ses dernières instructions aux disciples qui l'accompagnent et répondu à leurs dernières questions, il s'éteint paisiblement, c'est ce que les bouddhistes appellent le grand nirvana.

    Le Bouddha a profondément marqué son époque et l’ensemble de la culture de l’Asie, voire du monde. Le succès de la diffusion du bouddhisme tient à la fois à ses enseignements mais également à la puissante personnalité de son fondateur. On peut dire que le Bouddha est devenu le modèle d’un nouvel idéal humain. Il allie une intelligence vive et profonde avec une compassion active. Dans le même temps, il se montre un excellent pédagogue qui saisit chaque occasion pour délivrer son enseignement de la façon la plus appropriée et qui manifeste un réel souci de faire progresser ses disciples. Contrairement à la représentation traditionnelle d’une partie de la statuaire bouddhique, ses discours et sa vie dégagent une impression d’énergie et de rapidité de la pensée. C’est un homme qui a su mener son combat (rappeler qu'il est issu de la caste des guerriers). Enfin le Bouddha est un penseur qui s’est départi des notions admises à son époque, telles que le système social des castes ou les cultes brahmaniques.

    Le Bouddha n’a rien écrit. Son enseignement a été rassemblé par ses disciples sous la direction de Kashyapa et grâce à l’étonnante mémoire d’Ananda, l’un des compagnons les plus fidèles. Ceci dit, l’ensemble des sutra qui nous est parvenu a mis plusieurs siècles à se constituer.






    Le Bouddha face à la problématique essentielle de la pensée indienne.



    Le bouddha Shakyamuni décide de prendre à bras le corps cette problématique essentielle de la métempsycose. Il cherche activement son point d’ancrage dans nos existences et réinterprète la doctrine du karman.

    Définition du karman et nécessité de pointer les erreurs les plus souvent commises sur ce sujet. Les trois sortes d’actes. Le karman n’est pas la destinée. Critique sévère du Bouddha envers le penseur Gosala (appelé Makkhali). Ce dernier prônait une théorie selon laquelle aucune action ne pouvait avoir d’influence sur la durée du cycle des réincarnations. Exemple de la bobine qui se dévide. Le Bouddha n’accepte pas cette conception qui lui semble la pire de toute : « De même que de tous les tissus qui existent, le crin est le pire – car un tissu de crin, ô disciples, est froid par le froid et chaud par le chaud, de couleur sale, d’odeur repoussante, de toucher rugueux – ainsi, ô disciples, de toutes les doctrines des autres ascètes et des brahmanes, la doctrine de Makkhali est la pire. »

    Nous sommes constitués de nos actes. Au delà de la personnalité, le bouddhisme découvre la force primaire des actes non rétribués qui se manifeste au sujet sous la forme de désirs. Nous reviendrons sur ces points dans les prochains cours.

    Il rompt également avec la pensée brahmanique en ce sens où pour lui les dieux également sont enchaînés à la loi du karman.

    Les deux interprétations du personnage du Bouddha.

    Actuellement les études sur le bouddhisme dégagent deux conceptions du personnage du Bouddha en regard de la pensée indienne antique :

    - une conception indianisante qui le présente comme un réformateur (malheureux ?) du brahmanisme.

    - une conception différente qui le présente comme un vecteur d’apport de pensées asiatiques dans la culture indienne.






    Prochaine conférence : jeudi 2 mars, même heure, même lieu. Cette fois-ci nous étudierons une autre réponse à la problématique fondamentale de la pensée indienne antique : le jaïnisme. Nous en comparerons les principes essentiels avec ceux du bouddhisme.