Le Bouddhisme en Chine




Conférences données à la Maison des Marronniers à Saint-Mandé les 26 mai & 2 juin 2007


Présentation du cycle des conférences consacrées aux spiritualités de la Chine.

2° partie Le Bouddhisme en Chine



Le bouddhisme est la principale spiritualité étrangère à s'être répandue en Chine sur une très grande échelle. Les religions monothéistes, plus tardives, n'ont pas eu un tel essort en Chine. Il faut attendre le XX° siècle pour voir une autre doctrine non-chinoise gagner la Chine : le communisme.


I Pénétration du bouddhisme en Chine


1. La Chine au début de notre ère


On considère généralement que le bouddhisme a commencé de se répandre en Chine au début de notre ère, vers l'an 60. A cet époque il existe déjà des petites communautés de moines bouddhistes et vers 150 nous avons des groupes de traduction et même en 166, un empereur de la dynastie des Han () qui se convertit. Mais qu'est ce que la Chine à cette époque ? Nous avons laissé la Chine à l'ère féodale aux temps de Confucius et de Zhuangzi. Depuis 7 siècles ont passé et en -221, un premier empire les Qin s'est constitué. Il n'a duré que 15 années pour être remplacé par la dynastie des Han mais nous avons changé de cadre historique. Nous sommes passés de la Chine féodale à la Chine impériale.


2. Les voies de pénétration


2 voies de pénétration du bouddhisme en Chine l'une terrestre (Route de la soie) qui passe par l'Afghanistan puis remonte par l'Asie centrale pour déboucher à la capitale d'alors Luoyang (洛陽), l'autre maritime contourne la péninsule indochinoise pour aboutir à Canton (Guangzhou, 廣州). Nous avons donc dès les époques anciennes, un bouddhisme du nord et un du sud.


Les principaux vecteurs de cette propagation sont les moines mendiants et, parmi les croyants laïcs, les marchands.

La structure du clergé bouddhique de cette époque est originale. Pour bien comprendre la diffusion rapide du bouddhisme, il convient de l'analyser. Les moines sont appelés des moines mendiants (bhiksu, 比丘, biqiu). Il s'agit d'anciens laïcs qui ont décidé de se consacrer à la vie religieuse pour parvenir à l'éveil. Ils sont soumis à une discipline assez stricte. Ils se lèvent à l'aube et là vont mendier leur nourriture durant la matinée en allant de demeure en demeure. Après le déjeuner ils se livrent à des exercices religieux ou apprennent la doctrine (dharma). Généralement ces communautés de moines ne peuvent atteindre un très grand nombre, car vis à vis d'une économie de subsistance des campagnes d'alors, ce sont des bras que l'on a retirés des travaux productifs et d'un point de vue économique, ils vivent d'une façon 'parasitaire' vis à vis de la société. Lorsque la communauté par le succès des conversions effectuées comptent trop de religieux, ils sont obligés d'aller fonder un autre groupe ailleurs car la société sur laquelle il se nourissaient n'a plus la capacité d'assurer leur subsistance. Il y a donc un 'essaimage' naturel des moines mendiants et des communautés qui suivent les routes marchandes. C'est ainsi que le bouddhisme s'est diffusé spontanément à travers toute l'Asie. Ce mode de propagation n'est pas lié au projet de diffusion d'une église structurée. Il induit des conséquences assez rares. Il n'y a pas de clergé unitaire mais des moines-mendiants en quête de leur subsistance et de l'éveil. Ce sont des itinérants, parfois d'un bon niveau intellectuel et parfois des illettrés. Le long de la Route de la soie ou sur les chemins de l'empire ils sont mêlés à la population des vaguants, marchands, colporteurs, conteurs d'histoires, guérisseurs et errants de toute sorte. Ils se mêlent au petit peuple qu'ils connaissent bien et dont parfois ils sont isssus. Ils mêlent naturellement des éléments des croyances ou des superstitions des régions qu'ils ont traversées à la doctrine bouddhique (évoquer l'amidisme). On assiste donc à la naissance de nombreuses communautés et à l'émergence de sectes aux doctrines très diverses.


II Quelques éléments de bouddhisme


Le bouddhisme est une religion indienne et avant de voir les influences qu'il a exercées sur la culture chinoise, la façon également dont il a été modifié par celle-ci avant que de gagner ensuite tout l'Extrême-Orient : Corée, Japon, Vietnam mais aussi Tibet nous devons évoquer quelques particularités concernant cette doctrine et son fondateur que l'on désigne souvent sous l'appelation Bouddha.


1. Le Bouddha


Le Bouddha est né vers le sixième siècle avant notre ère (-563 ?) à Kapilavastu (actuellement village de Piprahwa) près de la frontière indo-népalaise, à environ 200 km de la ville de Bénarès. Pour avoir quelques repères, il est pratiquement contemporain de Confucius (-551), de Pythagore (-570) ou Héraclite (-545). Il ressortait de la tribu Shakya (Çakya), d’où le nom sous lequel il sera désigné : Shakyamuni, le sage des Shakya. Sa famille appartenait à la caste des ksatriya, les guerriers. Son père devait être une sorte de petit seigneur dans cette région peu peuplée et inhospitalière. Sa famille se rattachait au clan brahmanique des Gautama, nom sous lequel il est parfois désigné. Son nom personnel était Siddharta (celui qui a atteint son but). La vie à cette époque, pour un jeune ksatriya des régions frontalières, devait être rude ce qui contribua sans doute à lui donner la robuste constitution nécessaire au mode de vie pour lequel il optera ainsi que les qualités de courage et de ténacité dont il fera preuve.

Probablement une crise spirituelle aiguë le pousse à quitter la famille qu’il a fondée, sa femme et son jeune fils Rahula, et à mener la vie de religieux errant. Il souhaite échapper au cycle de la transmigration et aux souffrances qui lui sont inhérentes. La croyance dans la transmigration était très répandue dans ces régions indiennes et elle marque les débuts de la conceptualisation du bouddhisme. Cette suite de réincarnations était appréhendée comme un cycle inquiétant et douloureux où chaque nouvelle existence signifiait la perte de l’individualité, de la personnalité précédentes et de nouvelles souffrances.

Il se rase la tête (comme le faisaient d’autres ascètes ; cela deviendra un signe distinctif du clergé bouddhiste) et devient un ascète errant. Il rencontre des sages mais sans résoudre la question qui l’obsède. Selon la tradition, il aurait pratiqué les austérités jusqu'à un degré dangereux sans pour autant obtenir la délivrance cherchée. Il décide d'arrêter ces pratiques nocives pour le corps, de se restaurer. Fort de l'entraînement mental qu'il a déjà acquis, il concentre son esprit et entre dans une profonde méditation. Selon les Vinayapitaka des Dharmagupta (Corbeille de l'éthique des protecteurs du dharma), après avoir purifié son esprit et l'avoir rendu 'souple et facile à conduire' il accède à la vision de ses existences antérieures, puis de toutes les existences (concept plus tardif d'Une pensée trois mille, développer un peu,) et enfin il comprend le processus d'épuisement de la douleur, la libération Il devient l’Eveillé, celui qui est délivré des existences et des souffrances.

Après mûre réflexion (il semblerait qu'il ait hésité), il décide de communiquer l'expérience qu'il a vécue aux autres hommes. De retour à Bénarès, il fait halte dans un parc et expose à cinq jeunes religieux les premières notions de son système. Ils deviennent ses disciples et l’embryon de la communauté bouddhique (sangha). Ce sermon porte sur les quatre vérités. Il voyage et convertit de nouveaux disciples à sa doctrine, tant des laïcs que des religieux. C’est un orateur expert et un sage; sa renommée s’accroît. Chose impensable pour l’époque, il ne reconnaît pas le système des castes qui est pourtant fondamental dans la mentalité indienne. Ce sera d’ailleurs bien plus tard, la principale cause du déclin du bouddhisme en Inde. Le groupe des moines qui suivent le Bouddha compte des personnalités éminentes; citons, parmi d’autres, Shariputra, Maudgalyayana ou Ananda. Les croyants laïcs doivent également suivre les commandements moraux du Bouddha et par des offrandes (principalement de nourriture, légumes et céréales) pourvoir aux repas des moines mendiants. Certains riches donateurs offrent à la communauté des parcs pour que les moines itinérants aient un lieu de repos durant la saison des pluies. Le Bouddha accepte que soit créée une communauté religieuse pour les nonnes, ce qui était, là encore, une innovation radicale et qui suscita sans doute quelques remous dans la communauté bouddhique. Des règles sont édictées pour la vie des moines, ce qui laisse à penser que les conduites individuelles les rendaient nécessaires.

Durant un voyage, le Bouddha probablement assez âgé (la tradition dit quatre-vingts ans), tombe malade. Après avoir donné ses dernières instructions aux disciples qui l'accompagnent et répondu à leurs dernières questions, il s'éteint paisiblement, c'est ce que les bouddhistes appellent le grand nirvana.



2. Eléments doctrinaux


Contrairement aux doctrines chinoises le bouddhisme est une doctrine de la libération. Libération de la souffrance par compréhension des mécanismes qui causent cette souffrance. La libération ultime est appelée l'éveil. La communauté bouddhique (sangha) et les règles de vies qui y ont cours permettent de créer un environnement propice à l'acquisition de la sagesse qui conduit à l'éveil. Toutes ces notions étaient complètement étrangères à la pensée chinoise. Dans un premier temps le bouddhisme a bénéficié d'une certaine confusion avec le taoïsme (développer, comparer avec la situation actuelle en Occident). Le bouddhisme est une religion de l'antiquité indienne, alors que les pensées chinoises comme le confucianisme ou le moïsme par exemple sont issues du monde féodal. Le concept d'éveil personnel, de karman (actes), de métempsychose sont étrangers à la pensée chinoise d'alors. Le fait qu'il faille s'abstraire collectivement (communautés monacales) de la société a sans doute beaucoup étonné les Chinois. Pour les traditionnalistes, les communautés de nonnes ont dû leur sembler quelque chose d'assez extraordinaire [quelques mots sur le nouveau statut dans la société chinoise de femmes qui sont nonnes ou abbesses, élasticité des notions sociales]. Le bouddhisme a représenté une possibilité, généralement acceptée par le pouvoir, de se soustraire, au moins partiellement, à l'énorme matrice idéologique et politique de l'autorité impériale [citer le cas de moines errants, parfois d'anciens fonctionnaires, la coutume pour certains vers la fin de leur vie de se retirer et d'entrer dans les ordres]. L'acceptation et le développement dont a joui cette religion en Chine montre qu'elle comblait une attente. Au dela des rites populaires, le bouddhisme a permis en Chine le développement d'écoles philosophiques de très haut niveau. Vu la différence de logique, de structure mentale et de langue , il a fallu plusieurs siècles pour que les textes soient traduits et que les pensées les plus novatrices soient intégrées. Ensuite de quoi il y a eu l'éclosion d'écoles chinoises originales (Chan, Tiantai, Mystère) qui ont gagné tout l'Extrême-Orient.